Depuis plus de deux semaines, le spectacle vivant est comme en chômage technique. Les associations, compagnies et théâtres ornais sont à l’arrêt et selon eux, c’est le public avec qui ils travaillent qui en pâtit le premier. Comme le théâtre de la Boderie, à Sainte-Honorine-la-Chardonne, la compagnie Passerelles Théâtre était en plein travail avec un Ehpad : Nous devions faire une résidence à l’Ehpad de Putanges. On voulait faire venir les centres de loisirs, créer du lien.

C’était important pour nous, mais surtout pour eux, raconte Clotilde Labbé, seule salariée de la compagnie argentanaise, qui travaille beaucoup avec des personnes isolées. C’est un crève-cœur. On est en groupe, en troupe tout le temps. Et tout à coup, notre activité s’arrête.

Faire une croix sur des recettes

Pour ces petites structures, cela signifie aussi faire une croix sur des recettes prévues : dates, formations, ateliers, etc. Nous devions participer à un festival en Tunisie. On sait qu’il ne sera pas reporté car l’année prochaine ce sera une autre thématique, regrette Marie Guyonnet, créatrice du théâtre de la Boderie à Sainte-Honorine-la-Chardonne, dont le budget est constitué à 60 % par des fonds propres. La compagnie alençonnaise Bleu 202 a quant à elle vu deux de ses représentations supprimées, à Flers et Alençon : S’ils commencent à annuler les dates prévues cet été, ça va être compliqué pour nous…, indique Pierre Trouvé, qui reconnaît qu’il a eu de la chance dans le malheur général : la période de mars-avril est plutôt creuse pour la compagnie. À Argentan, Clotilde Labbé vit personnellement les conséquences de la crise sanitaire : elle a fait une demande chômage partiel et le recrutement prévu d’un autre salarié va être retardé.

Inquiétude sur l’avenir

En attendant, il faut mettre à profit cette période d’inactivité pour développer des projets, écrire. Mais le théâtre en télétravail, c’est contre-intuitif. Les projets avancent en se faisant, sur le plateau. C’est du spectacle vivant !, tonne Marie Guyonnet, qui tente de faire des Italiennes (répéter le texte) avec les comédiens d’une troupe amateur, par téléphone. C’est difficile de développer des projets sans visiter les lieux, les salles, abonde Pierre Trouvé, pour qui l’écriture en télétravail, pour préparer le festival Lèche-Vitrines, n’est pas très productive. D’habitude, on essaie de passer une semaine ensemble, de temps à autre, pour réfléchir, discuter, s’inspirer mutuellement. Là, c’est pas facile de se mettre d’accord entre nous. Mon inquiétude, dans l’immédiat, c’est comment est-ce que tout cela va se réorganiser, s’interroge Clotilde Labbé.Si des dates sont reportées, on aura une période beaucoup plus courte pour les représentations. On a déjà du mal à trouver des salles de spectacles en temps normal…

Ouest France 31 mars 2020

Un petit coup de pouce ?