La Cie Passerelles Théâtre, de Neuvy-au-Houlme, s’est invitée dans les quartiers de Flers, Alençon et Argentan et a proposé aux habitants de se mettre dans la peau de comédiens, histoire d’en finir avec les idées reçues.
« Bernard, ta première phrase, faut que ça dépote ! » Perché sur l’escalier du Quai des arts, Bernard se lance. L’Alençonnais déclame une première phrase en se glissant dans la peau d’une mère de famille. Puis ses partenaires prennent le relais, les phrases s’enchaînent, se croisent. Clotilde Labbé, metteure en scène, observe attentivement les comédiens amateurs.
Tour à tour chacun s’exprime sur son bonheur d’être parent, sur les difficultés aussi. Certains évoquent la maltraitance, le désamour du couple, la difficulté matérielle d’une mère célibataire pour éduquer ses quatre enfants… Dans le hall d’entrée du Quai des arts, les répliques fusent. « Ça marche du tonnerre », se réjouit Clotilde. Encore quelques répétitions et la troupe sera fin prête pour la représentation de ce vendredi.
« Ils sont humains »
La soirée au Quai des arts c’est l’apogée pour les comédiens en herbe, issus des quartiers de Flers, Alençon et Argentan. Certains n’avaient jamais mis les pieds sur scène, d’autre n’avaient même jamais fréquenté de théâtre, la Cie Passerelles Théâtre est venue à eux.
Depuis septembre, les comédiens professionnels ont investi les maisons de quartiers et les centres sociaux. Dans chaque ville, un groupe s’est formé et a travaillé à l’écriture de saynètes, « on a aussi organisé des sorties au spectacle », complète Clotilde.
Mais ce qui aura le plus compté pour les participants, c’est la rencontre avec les comédiens. « Moi j’avais une appréhension avant de les rencontrer, je me suis dit ils vont nous prendre de haut, en fin de compte ils ne se prennent pas la tête, ils sont humains », reconnaît cette participante. « La rencontre s’est faite des deux côtés, insiste Clotilde Labbé, pour l’équipe aussi il y avait ce chemin à faire vers les autres. Cette rencontre, ça pète les idées préconçues ! »
Pros et amateurs réunis
Un fou rire qui éclate d’un coup en pleine répétition, des questions qui fusent dans tous les sens… Le trac commence à se faire sentir, mais tous ont hâte d’être en scène pour « la clôture, la grosse fête ! »
Chantal vient d’Argentan, l’année dernière elle avait déjà participé au projet, elle raconte ce qu’ont prévu les locaux de l’étape : « On a une scène sur une grand-mère qui attend ces petits-enfants, une autre sur des ados et une dernière sur des enfants qui jouent dehors ». Elle participe pour « voir du monde, ça me permet de ne pas rester enfermer chez moi ».
Isabelle, venue de Flers, acquiesce, « et puis on oublie ses problèmes ». L’équipe flérienne a misé sur l’humour avec des saynètes sur un entretien d’embauche ou un speed-dating. Ce vendredi, tous joueront en lever de rideau de la pièce Cet Enfant de Joël Pommerat, jouée par les comédiens pros de Passerelles mais aussi par les amateurs lors des interscènes.
Clotilde Labbé espère que l’idée va faire son chemin, peut-être dans d’autres villes. « On veut enclencher quelque chose, il y a des gens qui ont commencé à faire du théâtre, d’autres qui ont pris leur abonnement pour voir des pièces, c’est notre but. »